Macronie : l’extrême diabolisation de la gauche

Le camp présidentiel, placé derrière le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national dans les sondages, s’attaque prioritairement à l’alliance des gauches, qu’elle met sur le même plan que l’extrême droite. Une stratégie plus que risquée.

Lucas Sarafian  • 25 juin 2024
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Macronie : l’extrême diabolisation de la gauche
Emmanuel Macron, après une cérémonie au monument de la Croix du Souvenir pour commémorer l'Appel du 18 juin du général de Gaulle lors de la Seconde Guerre mondiale, sur l'île de l'Île-de-Sein, le 18 juin 2024.
© Christophe Ena / POOL / AFP

Emmanuel Macron et les siens ne l’avaient pas vu venir. Que les gauches puissent s’allier en un temps record après une campagne européenne faite de divisions idéologiques était une idée inimaginable pour la Macronie. À la traîne dans les sondages – Ensemble pour la République est crédité d’environ 20 % des intentions de vote, c’est-à-dire à 10 points derrière le Nouveau Front populaire (NFP) et à plus de 15 points derrière le Rassemblement national (RN) –, Gabriel Attal et la coalition présidentielle prennent désormais une pente dangereuse : la diabolisation de la gauche.

Le 18 juin sur l’île de Sein, pour le 84e anniversaire de l’appel du général de Gaulle, le chef de l’État pointe « les choses ubuesques » du programme du NFP, comme « aller changer de sexe en mairie » et le caractère « totalement immigrationniste » des propositions de gauche. Emmanuel Macron ne s’empêche donc pas de reprendre les mots chers à l’extrême droite pour disqualifier la gauche. Six jours plus tôt, à Paris, le président n’a pas hésité à mettre un signe égal entre « les extrêmes », tout en accusant la gauche d’antisémitisme et de communautarisme.

Sur le même sujet : Macron et l’extrême droite : histoire d’un naufrage

Le 20 juin, Gabriel Attal reprend à peu près l’argumentaire en rangeant le RN et l’alliance des gauches dans le camp du « désordre ». Le 23 juin, Emmanuel Macron en remet une couche dans une lettre adressée aux Français publiée dans la presse quotidienne régionale. Dans ce texte, il estime que l’alliance des gauches « refuse la clarté sur la laïcité et l’antisémitisme » et prétend que l’offre politique qu’il représente « est la seule à pouvoir à coup sûr faire barrage à l’extrême droite comme à l’extrême gauche au second tour ».

« Majorité silencieuse », le retour

À gauche, cette rhétorique n’étonne guère. « Le message que produisent Emmanuel Macron et Gabriel Attal est dangereux, mais il n’est pas très nouveau, affirme Alain Coulombel, membre de l’exécutif des Écologistes. Cette façon de dessiner une équivalence entre l’extrême droite et l’extrême gauche, la reprise des termes historiques du RN pour décrédibiliser la gauche… Emmanuel Macron cherche à se replacer au centre du jeu en assumant son schéma habituel, “moi ou le chaos”, pour pouvoir récupérer des électeurs de centre gauche et de centre droit. »

Emmanuel Macron cherche à se replacer au centre du jeu en assumant son schéma habituel.

A. Coulombel

Bertrand Mas-Fraissinet, membre de la direction de Renaissance et candidat dans la 9e circonscription des Bouches-du-Rhône, expose l’ambition de son camp : « Nous pouvons réunir une majorité allant de certains sociaux-démocrates jusqu’aux gaullistes. C’est la seule option crédible contre les deux autres forces face à nous. D’un côté, il y a un projet ruineux et irréaliste, défendu par un bloc de gauche extrême qui comprend, en interne, des positions antinomiques. De l’autre, un bloc d’extrême droite aussi peu sérieux économiquement, avec son projet politicien qui revient sur tous ses principes comme les retraites. » Au sein de l’alliance présidentielle, on croit pouvoir mobiliser une majorité silencieuse fermement opposée à un changement d’équilibre politique dans le pays.

Pris en étau

Pour Martin Garagnon, porte-parole de la coalition présidentielle pour cette campagne, « il y a un signe d’équivalence entre le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, parce que leurs deux propositions programmatiques mettront le chaos dans le pays. Ce n’est pas le NFP qui est capable d’apporter des solutions, notamment en matière économique. Ni le RN, qui modifie ses positions à chaque élection ».

Pris en étau entre le bloc de gauche et la force d’extrême droite, le camp macroniste essaie donc d’exister dans le débat. Et pour se créer un espace, il se permet tous les stratagèmes, quitte à diaboliser la gauche et, par voie de conséquence, à banaliser les troupes marinistes, pourtant en position de force depuis leur score obtenu le 9 juin au soir (31,37 %). Un retournement des valeurs plus que risqué. Ensemble pour la République cherche à se qualifier au second tour dans le plus de circonscriptions possible le 30 juin mais, surtout, à empêcher l’accès de la gauche. Dans ce cas de figure, les macronistes joueront une nouvelle fois leur survie politique en tentant d’incarner le dernier rempart de la République face au péril fasciste. Peut-être une dernière fois.

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